Comment serons-nous soignés demain ?

Une révolution médicale annoncée

 

Durant les années 1990-2000, d'importants progrès ont été réalisés dans la connaissance du génome et dans la mise au point de médicaments innovants grâce aux biotechnologies. Les médicaments issus du vivant (immunothérapies, CAR T- cells, thérapies géniques…) et l'utilisation de nouveaux vecteurs d'innovation (CRISPR-Cas9, intelligence artificielle, nanotechnologies…) bouleversent à nouveau la donne des années 2010-2020 et ouvrent la voie à des progrès thérapeutiques toujours plus pointus à l'horizon 2030.

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Ces nouvelles technologies laissent entrevoir une accélération de l'innovation médicale dans les prochaines années. Elles seront de plus en plus nombreuses, précises et diversifiées avec de possibles avancées de ruptures, qui pourraient bouleverser les soins et la prise en charge des patients.

En parallèle, de nouveaux outils de diagnostic sont attendus, permettant notamment la prise en compte des biomarqueurs les plus récents. L'ensemble de ces progrès permettra de développer la compréhension des mécanismes physiopathologiques des pathologies complexes et l'identification de groupes de patients correspondant à un profil plus spécifique, défini par un patrimoine métabolique ou génétique particulier.

Ils seront en outre complétés par des innovations sur le front de la e-santé et de l'organisation des soins, avec en vue la création de nouvelles approches intégrées du parcours de soins.

La médecine de précision devient ainsi la composante majeure des stratégies de soins, en bénéficiant des avancées technologiques et d'une prise de conscience générale de la nécessité d'un changement de paradigme dans notre façon d'aborder la maladie. La médecine soignera non pas des maladies, mais des personnes.

Pour répondre à l’évolution des besoins de santé et intégrer au mieux l'ensemble de ces innovations, la France peut s’appuyer sur son système de santé et « la médecine des 6P ».

 

Les 6P pour répondre à l’évolution des besoins de santé

 

La médecine des 6P intègre six caractéristiques essentielles :

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Elle est une médecine …

  • Personnalisée, qui permet d’adapter la prise en charge (traitement, soins, etc.) de chaque patient en fonction de ses caractéristiques individuelles. Il s'agit ainsi de déterminer et prendre en compte la prédisposition de chacun à développer certaines maladies, grâce à l’identification des profils génétiques, mais aussi des modes de vie.  

L’essor des thérapies ciblées

Depuis deux décennies, la lutte contre le cancer, première cause de mortalité prématurée en France, vit une révolution grâce à une recherche académique et industrielle prolifique. Les chiffres en témoignent : entre 2002 et 2021, plus de 200 nouvelles substances actives anticancéreuses ont obtenu une approbation commerciale dans le monde, dont plus de la moitié au cours de ces cinq dernières années (Global Oncology Trends 2022, IQVIA). Il s'agit notamment de thérapies ciblées, qui vont viser des anomalies moléculaires ou des mécanismes précis, impliqués dans la chaîne d’informations responsable de la prolifération des cellules. Ainsi, la cellule cancéreuse ne peut plus se reproduire. Ces avancées scientifiques permettent l'essor d’une médecine dite de précision, contrairement aux chimiothérapies « classiques », qui visent à détruire les cellules cancéreuses par des mécanismes non spécifiques.

Aujourd'hui, plus de 50 thérapies sont disponibles et la dynamique s'accélère ; elle pourrait concerner 50 % des patients (contre 10 à 20 % actuellement) (rapport Santé 2030, Leem).

 

  • Préventive, car elle permet d’ajuster ses messages de prévention aux spécificités d’une population cible ou à un profil de patients spécifique, grâce aux données de santé. Celles-ci permettent de reconnaître les facteurs de risque pour certaines maladies, dans des régions bien identifiées, ou par groupe de population. Le but est d'assurer le bien-être de chacun d’entre nous, à l’avenir.

Du curatif au préventif ?

Depuis quelques années nous assistons au passage d’une médecine curative, qui a pour but de guérir le patient, à une médecine préventive permettant d’éviter l’apparition de la pathologie. Selon le Leem, dans son rapport Santé 2030, le concept de "santé" qui entoure la vie des individus est ainsi appelé à remplacer celui de système de "soins", centré sur le curatif.

 

  • Prédictive, car elle vise à déterminer les prédispositions biologiques d’une personne à certaines maladies et d’en retarder, voire d’en éviter, la survenue, grâce à la lecture et l’interprétation des informations contenues dans ses gènes.

Médecine France Génomique 2025 : Un plan pour prendre un temps d'avance

Le plan « Médecine France génomique 2025 » répond à une demande du Gouvernement adressée à l’Alliance Aviesan en avril 2015, afin d’examiner la mise en place des conditions de l’accès au diagnostic génétique dans notre pays. Il illustre le soutien des pouvoirs publics à l’innovation médicale, en l’occurrence le séquençage à très haut débit du génome humain qui fonde la médecine génomique, dite aussi « personnalisée ». Cette dernière est au cœur de l’innovation en matière de diagnostic, de pronostic et de traitement. Elle est prioritairement destinée à lutter contre les cancers, en ce sens où l’accès au génome entier permet d'adapter les traitements, notamment par immunothérapie, et d'augmenter leur efficacité, en limitant le risque d'échec thérapeutique. Ce plan vise ainsi à faire évoluer à horizon de 2025 la façon de diagnostiquer, prévenir, et soigner les patients. S’il répond à un enjeu de santé publique, il ambitionne aussi de faire émerger une filière médicale et industrielle nationale en médecine génomique et d’exporter ce savoir-faire.

 

  • Participative, car elle fait entrer pleinement le patient dans sa propre prise en charge. Il est mieux informé et contribue aux décisions qui concernent sa santé dans l’objectif d’établir un véritable partenariat de soins. En France, la loi dite « Kouchner » relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, promulguée le 4 mars 2002, représente un tournant dans l’histoire de la médecine participative et introduit aussi la démocratie sanitaire, devenue depuis « la démocratie en santé ».

 

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Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le module sur Démocratie en santé : place et rôle des usagers.

 

  • Pertinente ou basée sur les « preuves », car elle permet d’adapter la prise en charge du patient. Cette médecine par la preuve prend en compte les décisions sur le traitement et les soins à prodiguer au patient en tenant compte de ses habitudes de vie, de son profil génétique voire, de sa profession grâce aux données de vie réelle. Le tout en se basant sur la recherche scientifique. Les données en vie réelle permettent de générer des preuves complémentaires à celles obtenues lors des essais cliniques contrôlés, et d'éclairer ainsi les acteurs clés du parcours de soins dans les prises de décision.

 

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Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le module sur Les enjeux autour des données de santé.

  • Pluriprofessionnelle ou de parcours de soins, car elle assure une coordination entre les multiples interventions (médicales, sociales, médecine du travail, etc.) lors du suivi du patient. Le parcours de soins s’articule alors progressivement en fonction de la pathologie et de son évolution. Seul un bon couplage des cinq premiers P avec les parcours de soins permettra de tirer parti des progrès en cours, qui nécessitent une association entre acteurs médicaux de la recherche, de l'hôpital et de la médecine de ville, de favoriser le virage ambulatoire, de faciliter le maintien des personnes les plus âgées à domicile. Ces parcours de soins (construits par pathologie) s'articuleront progressivement vers des parcours de santé adaptés à chacun. Se développe ainsi une approche beaucoup plus organisée et coordonnée, intégrée dans des parcours de soins.

Comment le parcours de soins s’adapte-t-il à l’accroissement des maladies chroniques ?

Les progrès thérapeutiques ont permis de vivre non seulement après, mais aussi bien plus longtemps « avec » le cancer, qui tend à devenir de plus en plus une maladie chronique. Cette évolution entraîne des changements dans l’organisation des soins et le parcours. Aujourd’hui, le grand défi est en effet d’intégrer correctement cette nouvelle prise en charge au long cours pour le patient.

Les derniers plans Cancer insistent d'ailleurs sur l’idée de vivre après le cancer, intégrant le fait que les progrès thérapeutiques permettent de guérir de nombreux patients, mais que les traitements ne sont qu’une étape dans leur vie, durablement impactée par la maladie.

 

La médecine des 6P ou l'émergence d'innovations allant au-delà des médicaments nécessite une adaptation de l'ensemble du système de santé. En effet, les solutions multi-technologiques ou l'algorithmie, par exemple, s'accompagnent de défis immenses sur toute la chaîne de valeur du progrès thérapeutique. Il n'existe pas de cadre propice à leur développement et à leur diffusion : l'enjeu est donc bel et bien de prendre en considération les spécificités de ces nouvelles familles d'innovation, d'en anticiper l'impact sur nos modèles existants (R&D, production, accès au marché, commercialisation...), et de transformer notre écosystème pour favoriser leur développement.

L'anticipation des innovations pour l'ensemble des parties prenantes (régulateurs, organismes de financement, monde médical) devient indispensable pour en assurer leur diffusion à tous les patients.

 

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NO-FR-2400125-NP- Juin 2024