Les mécanismes de tarification et de régulation des prix par le CEPS
Une régulation maîtrisée
La fixation des prix des médicaments est une compétence nationale. En France, pour une minorité de produits, coexistent deux prix différents pour un même médicament :
- Un prix dit facial, ou prix public, qui ne correspond pas au prix réellement payé par l’Assurance maladie, mais qui correspond au prix indiqué dans la convention signée par le Comité économique des produits de santé (CEPS) et le laboratoire
- Un prix dit réel, qui n’est pas public, et qui correspond au prix facial moins les remises conventionnelles discutées que le laboratoire devra reverser à l’Assurance maladie.
D’après le Rapport d’activité publié en 2021 du CEPS, 279 produits se trouvent dans cette situation en 2020, soit 4% des produits remboursables dont le prix a été fixé par le CEPS (ville, liste en sus et rétrocession).
Figure 1 : Différence entre prix facial et prix réel
Le prix facial, avant les remises conventionnelles
Les remises, qui constituent la différence entre le prix facial du médicament et son prix réel, sont protégées par le secret des affaires. Elles sont négociées en France entre les industriels et le CEPS, et versées par les industriels à l’Assurance maladie.
La décomposition du prix facial
La décomposition du prix d’un médicament vendu en officine illustre cette différence entre le prix fabricant hors taxes (PFHT) et le prix public toutes taxes comprises (PPTTC).
Figure 2 : Décomposition du prix facial
L’importance du prix facial dans un environnement international
La fixation des prix des médicaments fait intervenir une comparaison internationale des prix.
Ce mécanisme consiste, pour un pays, à déterminer le prix d’un médicament en le comparant à celui pratiqué dans d’autres pays. Cette comparaison se fait sur la base du prix facial (prix fabricant hors taxes [PFHT]) qui est public.
Les prix faciaux négociés dans certains pays sont particulièrement suivis sur le plan international et peuvent servir de référence pour la fixation du prix dans d’autres pays. À cet égard, la France présente d’ailleurs un intérêt tout particulier. Elle constitue en effet la première référence pour les 19 pays concernés de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
Le mécanisme français de garantie de prix
Le marché du médicament évolue par ailleurs dans un environnement complexe dont la régulation a des impacts sur des marchés connexes, en France, mais aussi en Europe.
Dans ce cadre, les mesures de garantie de prix européen, concept posé dans l’accord-cadre LEEM-CEPS, sont des éléments clés de la régulation.
Cette garantie précise que le prix facial d’un médicament dans une indication donnée ne peut être inférieur au prix le plus bas parmi ceux pratiqués sur quatre marchés européens comparables (Allemagne, Royaume-Uni, Italie et Espagne).
Tableau 1 : Critères d'ASMR pour la garantie de prix européen
N.B : Les médicaments ayant une ASMR V ne peuvent pas bénéficier de la garantie de prix européen.
Le prix net, après les remises conventionnelles
Les remises conventionnelles ou remises produits : quelles sont-elles ?
Les remises produits (article L. 162-18 du CSS) sont fondées sur un accord entre les deux parties. Dans la pratique, il existe plusieurs types de remises produits. Les principales sont :
- Les accords prix/volume : ils permettent de sécuriser une enveloppe budgétaire définie sur la base d’une population cible et validée lors de l’évaluation de la Haute autorité de santé (HAS) ;
- Les remises à la 1re boîte (les plus fréquents selon le Rapport d'activité du CEPS pour 2020), qui permettent de prévoir un PFHT prévisible.
Il est possible d’utiliser plusieurs leviers de remises dans un même contrat financier.
Si l’information relative aux remises conventionnelles est confidentielle, le CEPS apporte des précisions dans son rapport d’activité publié en 2021 en évaluant le montant des remises produits, en millions d’euros.
Figure 3 : Remises produits facturées en année n+1, en millions d'euros
Source : Rapport d’activité du CEPS 2021
Il apparaît également que ces montants élevés de remises produits sont en réalité concentrés sur un nombre limité d’entreprises et de produits. En 2020, 279 produits disposaient d’un contrat de remise produit, soit 4% des produits remboursables dont le prix a été fixé par le CEPS (ville, liste en sus et rétrocession). Finalement, seuls 3% des produits ont vu une activation de leur clause de remises. En conséquence, pour 97% des produits remboursables dont le prix a été fixé par le CEPS, le prix net est égal au prix facial.
Le poids des classes thérapeutiques est également variable dans la contribution à la régulation via le mécanisme des remises.
Tableau 2 : Classes thérapeutiques et contrats de remises
Source : Rapport d’activité du CEPS 2021
Comment évolue le prix du médicament dans le temps ?
Lors de la fixation initiale du prix du médicament, une stabilité des conditions tarifaires peut être convenue comme cela est décrit dans l’accord cadre, en fonction notamment du niveau d’ASMR obtenu. Les conditions tarifaires d’un médicament, prix facial et/ou prix net, seront toutefois revues plusieurs fois au long de son cycle de vie, de sa première commercialisation à la perte de brevet, par exemple lors de :
- Extension d’indication ou réévaluation du produit par la commission de la transparence ;
- La régulation. Chaque année, le CEPS détermine des classes thérapeutiques au sein desquelles des baisses de prix peuvent être sollicitées pour les produits appartenant à ces dernières ;
- Disparition progressive des remises après plusieurs années de commercialisation par réintégration dans le prix facial ;
- Perte de brevet du produit et arrivée d’un médicament générique ou biosimilaire sur le marché. S’ensuit une décote de prix (de -20% à -40% selon les cas), puis une convergence vers le prix des génériques ou des biosimilaires entrants sur le marché.
La contribution au titre de la clause de sauvegarde, des remises supplémentaires aux remises conventionnelles
En supplément de ces éléments conventionnels, il existe un « supra-mécanisme » de régulation des dépenses de médicament, la clause de sauvegarde. Elle a un rôle de « garde-fou », en cas de dépassement non prévu aux dépenses de santé
Contrairement aux remises conventionnelles, les remises exonératoires au titre de la clause de sauvegarde (article L. 138-13 du CSS) constituent une régulation financière au niveau du chiffre d’affaires net des entreprises.
Les remises au titre de la clause de sauvegarde ne sont pas négociées avec le CEPS. Elles se traduisent par la définition dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) annuelle d’un montant maximal directeur, qui limite la croissance des dépenses de médicaments. La clause de sauvegarde se déclenche alors lorsque les dépenses de médicaments dépassent ce niveau (appelé « montant M »).
Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le module sur l'Objectif national des dépenses d’Assurance-maladie (ONDAM).
Figure 4 : Schéma récapitulatif présentant les outils de régulation du prix
Légende : EME : Évaluation médico-économique ; DSS : Direction de la Sécurité sociale.
Sources : CEPS. CHUIT Marine, La clause de sauvegarde, un système de rattrapage, révélateur de la croissance du marché : évolutions et perspectives. Thèse d’exercice : Pharmacie : Université de Bordeaux, 2021
Les dépenses nettes de remises sur les médicaments remboursés (ville et hôpital) représentent chaque année environ 10% des dépenses relevant du champ de l'ONDAM. Parallèlement, les mesures d’économies relatives aux produits de santé, qu’il s’agisse des baisses de prix des médicaments, des remises conventionnelles ou des mesures de maîtrise médicalisée des dépenses, ont représenté au cours des cinq dernières années entre 35% et 50% du montant total des économies réalisées dans le cadre de l'ONDAM. Ce ratio est une constante observée depuis plusieurs années plaçant les produits de santé comme premier contributeur aux économies.
Figure 5 : Part des produits de santé dans les économies de santé entre 2018 et 2021
Sources : PLFSS 2018-2021. Annexe 7 : ONDAM et dépenses de santé (Octobre 2017-2021).
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