Analyse des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS)
Accueil > Analyse des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) > Objectif National des Dépenses d'Assurance Maladie (ONDAM)
Objectif National des Dépenses d'Assurance Maladie (ONDAM)
L’ONDAM, outil de régulation des dépenses de santé, est fixé tous les ans et fait l’objet d’un vote par le Parlement dans un article distinct du Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Ce dernier correspond aux prévisions de recettes et aux objectifs des dépenses de la Sécurité sociale pour six sous-objectifs. Pour permettre son respect, il détermine également le montant d’économies à concéder – notamment l’effort demandé chaque année au médicament.
Introduction
Instauré par la loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS), l’ONDAM est un objectif inter-branches (branches Maladie, Accidents du travail - Maladies professionnelles [AT-MP] et Autonomie) dont le champ de prestations est plus limité que ceux des prestations d’Assurance maladie. En effet, il correspond aux prévisions de recettes et aux objectifs des dépenses de la Sécurité sociale pour chacun de ces six sous-objectifs – les soins de ville, les établissements de santé publics et privés, les établissements médico-sociaux pour personnes âgées, les établissements médico-sociaux pour personnes handicapées, le Fonds d’intervention régional (FIR) et le soutien national à l’investissement, et, les autres prises en charge.
L’ONDAM ne constitue pas un plafond limitatif de dépenses au sens des lois de finances. Néanmoins, il perd son sens s’il n’est pas respecté dès lors que son vote par le Parlement engage la responsabilité de l’exécutif à s’y conformer. En effet, le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’Assurance maladie est chargé d’alerter le Parlement, le Gouvernement et les caisses nationales d’Assurance maladie en cas d’évolution des dépenses d’Assurance maladie incompatible avec le respect de l’objectif national voté par le Parlement.
Indicateurs macro-économiques
L’exécution de l’ONDAM repose tant sur ses recettes que ses dépenses, dépendantes de trois principaux indicateurs économiques – la masse salariale du secteur privé, la consommation et l’inflation – impactant eux-mêmes le produit intérieur brut (PIB). Les deux premiers, ainsi que le PIB, impactent les recettes d’Assurance maladie de manière proportionnelle, tandis qu’une hausse de l’inflation impacte les dépenses d’Assurance maladie. Les impacts de chacun de ses indicateurs sur les dépenses ou les recettes de la Caisse nationale d’Assurance maladie et plus largement sur le Régime général sont présentés dans le tableau 1. A noter qu’une hausse de 1 % des dépenses maladie dans le champ de l’ONDAM entraine une hausse de 2,05 milliards d’euros (Md€) des dépenses d’Assurance maladie.
Construction de l'ONDAM
La construction de l’objectif de dépenses pour l’année à venir est élaborée par la Direction de la Sécurité sociale (DSS) et ses ministres de tutelle, en lien avec la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS). Dans un rapport de mars 2021, la Commission pour l’avenir des finances publiques constatait, au sujet de la Santé, que « notre gouvernance des finances publiques (…) est court-termiste et nous conduit à nous concentrer sur des politiques de rabot budgétaire au détriment de réformes structurelles de moyen et long termes ». La construction de l’ONDAM comporte plusieurs étapes :
Une étape de prévision, consistant à estimer quelle serait l'évolution spontanée des dépenses sans mesure particulière :
- 1) Déterminer le socle de dépenses ou « base ». Le point de départ de la construction de l'objectif de l'année N est le montant voté, par sous-objectif, de l'année N-1 corrigé le cas échéant de nouvelles prévisions et de changements éventuels de périmètre.
- 2) Ajouter l'évolution spontanée des dépenses (le « tendanciel ») avant toute mesure nouvelle. L’estimation des tendances de moyen terme en volume consiste à déterminer tout d’abord l’évolution des dépenses par grand poste qui serait observée si aucune dépense nouvelle ou aucune économie n’était mise en œuvre.
Une étape d'arbitrage, consistant à intégrer les mesures d'inflexion des dépenses à la hausse ou à la baisse :
- 3) Ajouter les dépenses supplémentaires liées au financement de mesures nouvelles (mise en œuvre et montée en charge des conventions ou, pour l'hôpital, revalorisation du point de la fonction publique, revalorisations catégorielles, etc.).
- 4) Calculer le montant d'économies sur la tendance nécessaire à l'atteinte du taux-cible retenu de progression des dépenses (objectifs de maîtrise médicalisée des dépenses, de maîtrise des volumes ou de rationalisation de l'offre de soins, etc.)
Cette réflexion s’inscrit dans celles de différentes institutions et rapports :
● Task Force « Réforme du Financement du système de Santé ». Rapport Réformes des modes de financement et de régulation (2019)
● Rapport d’information n° 40 (2019-2020) de Mme Catherine Deroche et M. René-Paul Savary (Octobre 2019), dans le cadre de la Mission d'Evaluation et de Contrôle de la Sécurité sociale (MECSS) sur l’ONDAM
● Cour des Comptes. Rapport sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale (2021 et 2022)
● Institut Montaigne. Rapport, « Santé 2022 : tout un programme » (Janvier 2022)
Exemples : Construction de l’ONDAM pour 2021 et 2022
Depuis la LFSS 2021, le contexte de la Covid-19 a considérablement bouleversé la construction de l’ONDAM. Depuis 2021, de nouvelles dépenses ont été ajoutées et isolées de la hausse tendancielle des dépenses – à savoir les dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire ainsi que les dépenses liées au Ségur de la Santé.
Le PLFSS pour 2022 avait proposé de fixer l’ONDAM pour l’année 2022 à 236,3 Md€, soit une contraction de -0,6 % par rapport à 2021. Hors surcoûts identifiés en 2021 et 2022 relatifs à la crise sanitaire (qui sont en baisse), les dépenses augmentent de +3,8 %. Ce montant repose sur une construction proche de celle intervenue l’année passée :
- Une trajectoire sous-jacente de 2,6 % hors dépenses liées au Ségur de la santé ou à la crise sanitaire (contre 2,4 % en 2021). Cette trajectoire permet notamment de financer les dépenses supplémentaires spécifiques de produits de santé décidées dans le cadre du plan Innovation santé 2030, à la suite du 9ème Conseil stratégique des industries de santé (CSIS)
- Des dépenses consécutives aux accords du Ségur de la santé
- Une provision de 4,9 Md€ destinée à couvrir les dépenses exceptionnelles en réponse à la crise sanitaire
En dépit des travaux mettant en exergue un besoin de transparence dans la construction de l’ONDAM, ce dernier PLFSS va à l’encontre de ce besoin.
L’annexe 5 du projet de Loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 est venu rectifier l’ONDAM initialement fixé par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023.
D’une hauteur de 247,6 Md€, soit une augmentation de 0,2% par rapport à 2022, l’ONDAM 2023 rectifié intègre un contexte inflationniste persistant avec la revalorisation du point d’indice de juillet 2022 ainsi qu’un impact financier portant sur le renchérissement des achats dans les établissements de santé et médico-sociaux.
La progression tendancielle de l’ONDAM tous sous-objectifs confondus s’établirait ainsi à 4,8% hors crise. Ce chiffre intègre le rendement des actions de maîtrise médicalisée.
Evolution de l'ONDAM à 5 ans
Après un respect de l’ONDAM en 2018 et 2019, le début de la crise de la COVID-19 a grandement perturbé son exécution en 2020, 2021 et 2022 avec, notamment, la suspension de l’obligation des mesures de redressement. Ainsi, pour 2020, les dépenses constatées (219,4 Md€ selon le PLFSS 2022), en progression de 9,5%, ont été supérieures de 13,8 Md€ à l’objectif initial fixé dans la LFSS pour 2020. Les dépenses supplémentaires pour faire face à la crise sanitaire peuvent être estimées à 14,0 Md€ (hors Ségur de la santé), dont 18,3 Md€ de mesures exceptionnelles. En 2021, les dépenses constatées (240,1 Md€) ont dépassé de 14,7 Md€ l’objectif initial de la LFSS pour 2021, dont 13,7 Md€ de mesures exceptionnelles liées à la crise sanitaire et 0,4 Md€ de dépassement non lié à la crise sanitaire. En 2022, 247,1 Md€ de dépenses ont été constatées, soit 10,3 Md€ de plus que ce qui avait été initialement fixé par la LFSS pour 2022, dont 6,6 Md€ supplémentaires de mesures exceptionnelles liées à la crise sanitaire et 2,5 Md€ sans relation avec la crise sanitaire. Pour l’année 2023, l’annexe 5 du PLFSS pour 2024 présente un ONDAM prévisionnel rectifié d’une hauteur de 247,6 Md€, soit 3,5 Md€ plus élevé que le montant voté au Parlement en décembre 2022 (244,1 Md€). Le montant de l’ONDAM pour 2023 avait déjà été réévalué lors du vote de la Loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) en juillet 2023 pour couvrir l’extension sur l’ensemble de l’année 2023 de la majoration des horaires de nuit et de garde (0,6 Md€) et une enveloppe supplémentaire sur les soins de ville (0,15 Md€).
En 2021 et 2022, une accélération significative de la croissance des dépenses liées aux médicaments est observée. Cette augmentation notable peut être attribuée aux mesures prises dans le cadre du dernier CSIS (Comité Stratégique des Industries de Santé), visant à garantir un meilleur accès aux traitements et à encourager l'innovation pharmaceutique. Les mesures du CSIS prises en 2021 ont conduit au plan « Innovation santé 2030 » et à une série d'engagements du Président de la République et du Gouvernement en soutien à l'industrie du médicament. Ces initiatives ont temporairement stimulé les dépenses médicamenteuses pour répondre aux besoins accrus d'agilité sanitaire.
Cependant, malgré cette accélération, il convient de noter que la croissance des dépenses en médicaments en 2022 demeure en deçà de celle des principaux postes de l'ONDAM. Cette constatation suggère que, bien que les dépenses pharmaceutiques aient augmenté, d'autres prérogatives sanitaires ont continué à absorber une part proportionnellement plus importante de l'objectif budgétaire en 2022.
Dans ce sens, la part de l'ONDAM dédiée au médicament peine à répondre aux exigences croissantes en matière de dépenses pharmaceutiques pour les patients. Cette dynamique s'explique en partie par des contraintes budgétaires fortes qui pèsent sur le médicament en France.
La clause de sauvegarde
Initialement introduite en 1999 afin de garantir un meilleur respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), la clause de sauvegarde est un dispositif unique et spécifique aux industries de santé. Applicable aux médicaments, elle a été profondément remaniée au cours des différentes LFSS. Cette contribution, due par les entreprises pharmaceutiques lorsque leur chiffre d’affaires dépasse un montant fixé par la loi, permet une régulation « a posteriori » des dépenses en produits de santé. Toutefois, elle est aujourd’hui en inadéquation avec la croissance du marché du médicament, car le taux de croissance accordé – qui a pu être négatif par le passé – ne permet pas de faire face à la dynamique d’innovation.
En 1996, à la suite de la publication des ordonnances Juppé instaurant, entre autres, les LFSS et l’ONDAM, deux systèmes de régulation – une logique d’enveloppe et un accord permettant une maitrise spécifique des dépenses des médicaments – ont été mis en place. Toutefois, face à l’insuffisance de ces systèmes, une réglementation spécifique pour les dépenses des médicaments s’est avérée nécessaire. Ainsi, depuis, deux mécanismes, évoluant avec le marché, sont le moteur de la régulation des produits de santé en France, à savoir :
- A titre collectif, l’article 31 de la LFSS pour 1999 a institué une clause permanente de sauvegarde (« mécanisme de reversement »), destinée à récupérer une partie du dépassement entre la croissance du chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutiques et un montant M défini en LFSS.
- A titre individuel, l’accord-cadre conclu entre le LEEM et le Comité économique des produits de santé (CEPS) permet une régulation a priori via les fixations régulées du prix des médicaments, les baisses de prix et les remises. Le CEPS peut également décider de baisser le prix de vente des médicaments, en dehors d’un cadre conventionnel, selon l’article L. 162-16-4 du Code de la Sécurité sociale.
Principe
La clause de sauvegarde (ou contribution M) consiste en une contribution (devant être exceptionnelle) due par les entreprises dès lors que le chiffre d’affaires hors taxe (CAHT) de l’ensemble de ces entreprises, réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer dépasse un certain seuil.
Ces entreprises peuvent être conventionnées (article L162-17-4 et R162-20 du Code de la Sécurité sociale), c’est-à-dire qu’elles peuvent conclure individuellement une convention pluriannuelle avec le CEPS d’une validité maximum de 4 ans. Ceci leur permet d’assurer l’application de l’accord-cadre et d’être exonérées d’une partie de la clause de sauvegarde en cas de dépassement conformément à l’article L.138-13 du CSS. Depuis le 14 décembre 2020 en accord avec l’article L138-13 du CSS (34), un taux de réfaction de 5% est appliqué au montant des contributions payables sous forme de remises exonératoires des contributions au titre de la clause. Ce taux peut être fixé entre 5% et 20% pour les entreprises redevables de la contribution ayant accepté, par convention conclue avec le CEPS, une baisse du prix net d’une ou plusieurs de leurs spécialités. Il est alors déterminé en fonction du montant des économies réalisées par l’Assurance maladie du fait de la baisse du prix net des spécialités concernées.
Pour la contribution due au titre de l'année 2023, la clause de sauvegarde est plafonnée à 10 % du chiffre d’affaires net de chaque entreprise après réduction du montant des remises versées.
Mécanisme
La clause de sauvegarde est une contribution due par les entreprises dès lors que leur CAHT dépasse un certain seuil (montant M), fixé annuellement dans la loi de financement de la Sécurité sociale (Cf. Figure 7). Historiquement, il était déterminé sous forme d’un taux de croissance autorisé (par rapport au CAHT de l’année précédente). Depuis la LFSS 2021, il est directement voté au travers d’un montant. Si les entreprises dépassent ce seuil autorisé, le déclenchement de ce mécanisme étant collectif, la contribution due est répartie au prorata du CA de chaque entreprise redevable et elle varie en fonction du dépassement du seuil. Un barème progressif défini à l’article L.138-12 du CSS a été mis en place. Le taux de contribution varie entre 50 et 70% selon les tranches de dépassement du seuil autorisé.
La construction de la clause de sauvegarde avec ses 2 paramètres majeurs à savoir :
- Le CAHT qui correspond aux dépenses remboursables par l’Assurance maladie liées aux médicaments et repose sur plusieurs paramètres, dont le périmètre qui définit les types de produits de santé inclus et le calcul de l’assiette pouvant être réalisé́ en CAHT net (prenant en compte les remises).
- Le taux de croissance du marché des produits de santé fixé en LFSS. Il se base sur le CA des produits de santé et dépend de 3 effets dirigeant sa croissance – les effets prix, boîtes et structure.
Cependant, en 2023, la méthode utilisée pour la construction de la clause de sauvegarde n’a pas été précisée.
Evolution de la clause de sauvegarde
Depuis son instauration, la clause de sauvegarde a connu des modifications de périmètre, d’assiette et de répartition de la contribution comme suit.
La LFSS pour 2023 introduit des modifications :
- Prise en compte des médicaments dont la prise en charge est assurée par l’Etat en raison de menaces sanitaires graves
- Par dérogation au dernier alinéa de l'article L. 138-12 du code de la sécurité sociale, le montant de la contribution due par chaque entreprise redevable ne peut excéder 10 % de son chiffre d'affaires minoré des remises reçues (Art. L. 138-11 du code de la Sécurité Sociale).
- Changement des facteurs pris en compte afin de déterminer la contribution des entreprises : à 70% au prorata du CAHT et à 30% au prorata de la croissance des entreprises.
- Exonération de la part de la contribution répartie en fonction du taux de croissance pour les entreprises créées depuis moins d’un an, sauf en cas de scission ou fusion.
Particularité notable de la LFSS 2022, l'évaluation préalable et les hypothèses financières retenues anticipent un déclenchement de la clause de sauvegarde des médicaments qui, par nature, n'est pas censé intervenir (comme souligné par le Sénat). Son rendement était attendu à 125 millions d'euros, mais devrait atteindre un montant de 1090 millions d’euros (tableau 3) selon les prévisions du Gouvernement.
La clause de sauvegarde au cours des cinq dernières années
* Source : Rapport d'activités CEPS 2021
** En 2020, la clause de sauvegarde n’a pas été déclenché. (Source : Rapport activités CEPS 2021 (p. 69))
*** Prévisionnel (Source : PLACSS 2022 (2023))
Sources : LFSS 2018-2023. PLACSS 2022 (2023). CEPS. Rapport d’activité (2018-2021).
A l’exception de l’année 2022, le taux de croissance accepté par la clause de sauvegarde témoigne du peu de croissance accordée au médicament – quasi-nul certaines années – ne permettant pas de faire face à la dynamique d’innovation de ce dernier. Par ailleurs, bien que l’année 2022 semblait signer un retour de la croissance autorisée du médicament, la prévision du déclenchement de la clause montre une inadéquation entre la croissance réelle du marché et celle autorisée. Et le très bas taux de croissance accepté en 2023 (+0,4%) reste un frein à innovation portée par les médicaments et contributrice à un meilleur état de santé de la population.
Acteurs mentionnés dans cet article
NO-FR-2400124-NP-Juin 2024