Les mécanismes de tarification et de régulation des prix par le CEPS
Une négociation de prix encadrée
En France, le Comité économique des produits de santé (CEPS), organisme interministériel et interinstitutionnel, est chargé de fixer le prix des nouveaux médicaments et des médicaments en extension d’indication qui arrivent sur le marché. Ce prix est négocié avec l’entreprise qui exploite le médicament.
Cette négociation intervient après une évaluation scientifique et médicale réalisée par la Commission de la transparence (CT) de la Haute autorité de santé (HAS). Elle établit notamment le service médical rendu (SMR) et l’amélioration du service médical rendu (ASMR) du médicament. Pour certains produits, sur critères, une évaluation économique (évaluation de l’efficience et/ou analyse de l’impact budgétaire) réalisée par la Commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP) de la HAS est également requise.
Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le module sur l'Accès au marché d’un médicament : de l’évaluation à la fixation du prix.
Les résultats de ces évaluations sont ensuite transmis :
- au CEPS, pour engager les négociations sur le prix ;
- à l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM), en charge de la décision de remboursement.
Figure 1 : L'évaluation par la HAS d'un médicament
Les critères de détermination du prix
La fixation du prix des médicaments se fait sur une base contractuelle : en application des dispositions du code de la Sécurité sociale (CSS), le prix de vente ou de cession des médicaments, qu’ils soient vendus en officine de ville, rétrocédés (vendus au public par les pharmacies à usage intérieur) ou inscrits sur la « liste en sus », est fixé par la voie de conventions bilatérales entre le CEPS et les entreprises.
La convention établie entre le CEPS et l’entreprise va donc fixer un prix au médicament, mais aussi des conditions autour de ce prix, selon cinq critères cités dans l'article L.162-16-4 du CSS :
- « l'amélioration du service médical rendu par le médicament,
- le cas échéant des résultats de l'évaluation médico-économique,
- des prix des médicaments à même visée thérapeutique,
- des volumes de vente prévus ou constatés,
- ainsi que des conditions prévisibles et réelles d'utilisation du médicament.
Elle peut également tenir compte de la sécurité d'approvisionnement du marché français que garantit l'implantation des sites de production ».
Figure 2 : Les critères de fixation du prix
Cadre général de la régulation par le CEPS
En agissant sur la tarification du médicament, le CEPS s’assure de la bonne maîtrise des dépenses de santé. Il s'agit d'un exercice délicat, qui s'inscrit dans le cadre budgétaire fixé chaque année par l'Objectif national de dépenses d'Assurance-maladie (ONDAM), tout en suivant les priorités de santé publique.
La négociation du prix des médicaments se fonde sur trois niveaux :
- Législatif : code de la sécurité sociale et code de la santé publique
- Conventionnel : accord-cadre LEEM-CEPS et doctrine CEPS
- Politique : lettre d’orientation des ministres
Figure 3 : La négociation entre l'industriel et le CEPS
L’accord-cadre LEEM-CEPS
L’accord-cadre réglemente les relations entre le CEPS et l’association professionnelle des entreprises du médicament (LEEM). Son objectif est de maintenir une transparence des relations entre les industriels et les autorités en précisant certaines règles concernant :
- Les négociations de prix des médicaments (délivrés en officine de ville, rétrocédés par les établissements de santé et financés au titre de la liste en sus) et leur révision, lors d'extensions d’indications ;
- La régulation financière annuelle et individuelle, via les remises ;
- La politique en matière de génériques et de biosimilaires ;
- L’accès aux médicaments orphelins ;
- La forme et le contenu des conventions d’entreprises.
Un nouvel accord-cadre a été signé le 5 mars 2021 entre le CEPS et le LEEM. Applicable jusqu’au 5 mars 2024, il succède à celui du 31 décembre 2015, initialement valable sur la période 2016-2018, puis finalement prorogé à quatre reprises jusqu’au 28 février 2021.
La lettre d’orientation des ministres
Le CEPS étant un organisme interministériel, il reçoit une lettre d’orientation adressée conjointement par les ministres chargés de la Santé et de la Prévention, de la Sécurité sociale et de l’Économie, sous contrôle du juge administratif.
Cette lettre positionne les décisions que le président du CEPS devra prendre au regard des priorités nationales. La dernière lettre d’orientation ministérielle date du 19 février 2021.
La doctrine du CEPS
La « doctrine » est formalisée par le CEPS dans son rapport annuel d’activité, à partir de l’interprétation des critères législatifs, de l’accord-cadre et de la pratique. Ainsi, les lignes directrices suivies par le CEPS s’articulent autour de trois principes :
- Le CEPS ne se base que sur des avis indépendants et validés par les agences sanitaires (évaluations scientifiques de l’Agence européenne des médicaments [EMA], avis de la CT et évaluation médico-économique de la CEESP de la HAS) pour les déterminants de la tarification (comparateurs, populations cibles, ASMR, place dans la stratégie thérapeutique...) ;
- Le CEPS ne traite des génériques et biosimilaires qu’une fois leur inscription au répertoire réalisée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ;
- Le recours au système de remises (où le laboratoire reverse une partie du prix du médicament à l’Assurance-maladie) doit rester « exceptionnel et temporaire » dans une optique de transformer ces remises en une baisse de prix à terme.
Quelle que soit la situation, la détermination d’un prix repose en grande partie sur la prise en compte d’une comparaison de valeur entre le nouveau produit et certains des médicaments utilisés dans la même indication (ou sur un comparateur économiquement pertinent en l'absence de comparateur dans l'indication). La suite de la négociation dépend ensuite du niveau d’ASMR attribué au nouveau médicament par la CT :
- Pour une ASMR V (absence de progrès thérapeutique), le nouveau médicament devra générer une économie par rapport au comparateur le moins cher ;
- Pour une ASMR IV (amélioration mineure), le comparateur le moins cher constitue une base de négociation, ou alors le prix européen le plus bas pour le nouveau médicament (sous certaines conditions) ;
- Pour une ASMR I à III, les comparateurs sont utilisés en fonction du contexte et de leur propre ancienneté et ASMR.
En conclusion, les mécanismes existants sur l’encadrement de la négociation de prix sont nombreux, fonctionnels et lisibles. Ils sont en outre régulièrement mis à jour pour s’adapter aux priorités nationales, aussi bien économiques que de santé publique.
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NO-FR-2400125-NP- Juin 2024