Le patient, acteur à part entière de l’univers de la santé et du médicament
Place du vécu des patients dans l'évaluation et la fixation du prix du médicament
Des patients représentés au sein des instances
La Haute Autorité de santé (HAS)
Aux termes du Guide pour les associations de patients et d’usagers de la HAS, « les patients disposent d’un savoir spécifique : leur expérience du vécu de la maladie, des traitements existants ou du parcours de soins et leurs attentes, sont autant d'éléments qui peuvent enrichir l’évaluation des produits de santé ».
Ce constat a permis aux associations de patients d’intégrer progressivement, depuis 2015, les différentes commissions d’évaluation des produits de santé de la HAS et de leur attribuer certaines prérogatives.
Les associations de patients et d’usagers ont ainsi pris une place de membre titulaire ayant voix délibérative au sein de la Commission de la Transparence (CT) et de la Commission d’évaluation économique des produits de santé (CEESP). Elles participent par exemple au vote des niveaux de service médical rendu (SMR) et d’amélioration du service médical rendu (ASMR) évalués pour chaque médicament par la CT.
Le Comité économique des produits de santé (CEPS)
Un accord-cadre a été mis en place en 2018, puis en 2022, entre le CEPS et France Assos Santé. Ce texte fixe les modalités d’auditions des associations par le CEPS dans le cadre des négociations de prix des produits de santé. Il institue un comité d’interface avec les usagers (CUI) et favorise l’organisation de réunions tripartites avec les exploitants de produits de santé.
Toutes les associations représentant les patients et les usagers du système de santé, agréées au niveau national, ainsi que les associations de lutte contre les inégalités de santé peuvent signer l’accord-cadre (pour une durée de 3 ans renouvelable) postérieurement à la signature par le CEPS et France Asso Santé.
Cette procédure n’exclut toutefois pas l’audition d’associations non-signataires de l’accord-cadre, selon d’autres modalités définies par le CEPS.
Comment mesurer le vécu patient ?
Le vécu patient peut être mesuré par l’utilisation de questionnaires, remplis par le patient lui-même. Il s’agit :
- De mesures des résultats de santé perçus par le patient (Patient-Reported Outcome Measures - PROMs)
- De mesures des résultats de l’expérience des soins perçue par les patients (Patient-Reported Experience Measures – PREMs).
Les PROMs (Patient-Reported Outcome Measures)
Les PROMs permettent d’évaluer les résultats des soins reçus par le patient, à la suite d’une hospitalisation, d’une opération ou encore d’un traitement. Ils sont couramment utilisés dans le cas d’interventions cliniques : un questionnaire est remis au patient avant et après son opération, afin de pouvoir comparer les résultats. Ils peuvent également être utilisés dans le cadre de l’évaluation d’un médicament.
Ces questionnaires sont génériques ou spécifiques :
- Les PROMs génériques sont des questionnaires généraux qui explorent des questions importantes pour toutes les populations (malades et non malades) et quel que soit le problème de santé. Les questions portent sur l’impact de la maladie, sur leur vie en général, sur leur qualité de vie ou sur des dimensions plus spécifiques comme le fonctionnement physique.
- Les PROMs spécifiques complètent le dispositif et mesurent les résultats touchant à une pathologie particulière (diabète) ou à un groupe de pathologies (le cancer), un domaine (douleur), une population (enfants), ou une partie du corps (yeux).
Les PROMs permettent ainsi de mesurer l’efficacité des soins et des traitements, voire de les comparer, afin d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients.
- Ils peuvent servir au niveau de la relation entre le patient et le prestataire de soins pour la prise de décision partagée entre soignants et patients.
- Ils peuvent également contribuer au pilotage des soins dans une démarche d’amélioration continue de la qualité.
- Enfin, ils peuvent également servir à des fins de recherche, d’audit ou d’évaluation économique. Un PROM peut, par exemple, être effectué au sein d’un essai clinique, pour avoir le point de vue rapporté par les patients sur les effets, de l’usage et de la toxicité d’un nouveau traitement.
L’une des principales dimensions abordées par les PROM concerne la qualité de vie des patients.
La qualité de vie selon l'OMS
L'Organisation mondiale de la santé a défini en 1993 la qualité de vie comme « la perception qu’un individu a de sa place dans la vie, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lequel il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. C’est donc un concept très large qui peut être influencé de manière complexe par la santé physique du sujet, son état psychologique et son niveau d’indépendance, ses relations sociales et sa relation aux éléments essentiels de son environnement ».
Le concept de qualité de vie a émergé dans les années 1970 comme un critère important de l’évaluation en santé, le critère de survie ou de morbidité n’apparaissant alors plus suffisant pour évaluer le progrès médical. La mesure de la qualité de vie contribue à évaluer l’impact d’une maladie, d’un acte de soin ou d’un médicament du point de vue des patients. Les données de qualité de vie sont devenues des données à valeur démonstrative en complément des données d’efficacité et de tolérance.
Les PREMs (Patient-Reported Expérience Measures)
Les PREMs s’intéressent à la façon dont le patient vit l’expérience des soins : qualité de l’accueil, délai d’attente, attention portée à la douleur, information reçue, etc.
Contrairement aux PROMs, les PREMs n’examinent pas les résultats des soins, mais l’expérience et l’impact du processus de soins vécus par le patient dans sa globalité (avant, pendant et après). Ils constituent donc un excellent moyen d’améliorer la qualité des services délivrés au patient dans un établissement de santé. Ils sont cependant moins utilisés pour l’évaluation d’un médicament.
Comme les PROMs, les PREMs peuvent être génériques ou spécifiques :
- Les PREMs génériques s’adressent potentiellement à tous les patients. Ils comprennent des questions qui peuvent être posées à tous les patients, quelle que soit la maladie (ex. : avez-vous ressenti de l’inquiétude, de l’anxiété lors de votre hospitalisation ?). Ils peuvent s’intéresser à des services, des secteurs de soins particuliers (ex. : hospitalisations, soins aux urgences, soins de ville, soins à domicile, soins de maternité, soins psychiatriques, etc.).
- Les PREMs spécifiques s’intéressent à l’expérience des patients pour des maladies en particulier (ex. : diabète, polyarthrite rhumatoïde, santé mentale, cancer, etc.).
Quelle prise en compte du vécu patient dans les évaluations des médicaments à la HAS ?
Les contributions des patients
Les associations de patients ou d’usagers, agréées ou non, peuvent soumettre dans le cadre des évaluations des médicaments une contribution en utilisant le questionnaire de recueil du point de vue des patients élaboré par la HAS. Le service concerné de la HAS intègre dès lors la contribution au dossier qui sera évalué en commission. Ces contributions reçues sont publiées sur le site de la HAS au moment de la publication de l’avis afférent des commissions.
Ces contributions, mises en place en 2016, sont rendues possibles par la publication par la HAS, chaque semaine, de la liste de médicaments prochainement évalués et pour lesquels la contribution des patients est possible. D’après le rapport d’activité 2021 de la HAS, 384 patients et usagers ont participé aux actions menées par la HAS pour élaborer ses productions ou ont siégé à l’une de ses commissions en 2021, ils étaient 185 en 2020.
Évaluation des médicaments : quelles informations les patients peuvent-ils apporter ?
Le questionnaire de la HAS comporte d'abord un volet « administratif », avec des informations générales sur l’association de patients, son financement et autres liens d’intérêts.
Le questionnaire aborde ensuite les points suivants :
- la méthode utilisée pour remplir le questionnaire ;
- l’impact de la maladie ou de l’état de santé concernés sur le patient, sa qualité de vie ou son entourage ;
- l’expérience avec les thérapeutiques actuelles (autres que le produit évalué) ;
- l’expérience avec le produit évalué. Elle ne peut être remplie que si les patients ont une expérience d’utilisation ou si l’association connaît les résultats des essais cliniques relatifs au produit ;
- toute information supplémentaire que le patient jugerait utile pour la HAS dans son évaluation (par exemple des problèmes éthiques ou sociaux) ;
- la synthèse de la contribution.
Dans le questionnaire, le terme « patient » se réfère à l’individu qui est, ou a été, atteint par la maladie visée par le médicament en cours d’évaluation, ou dont l’état de santé est concerné par ce même produit de santé. Chaque question est suivie d’un encadré qui précise les attentes de la HAS. Il n’est pas obligatoire de répondre à toutes les questions. À travers ce questionnaire, la HAS souhaite recueillir des faits, informations et résumés d’expériences donnant une vue concise et précise du point de vue des patients ou des aidants.
Les questionnaires ne comportent pas de données nominatives.
Source : Guide pour les associations de patients et d’usagers sur la contribution des associations de patients et d’usagers aux évaluations de médicaments et dispositifs médicaux, octobre 2019
Depuis juillet 2021, les patients peuvent également contribuer à l’évaluation des médicaments en vue d’une autorisation d’accès précoce. Cette procédure d’accès dérogatoire permet à des patients d’accéder à des traitements avant leur autorisation de mise sur le marché ou avant leur remboursement pérenne par l’Assurance-maladie.
La qualité de vie, critère d’évaluation du médicament
Pour la Commission de la transparence (CT)
Les données de qualité de vie interviennent dans l’évaluation de l’effet clinique du médicament et en particulier de son intérêt de santé publique. En complément des données d’efficacité et de tolérance, la démonstration d’un gain de qualité de vie peut être reconnue à travers le niveau d’Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) octroyé. L’absence de soumission de données de qualité de vie peut, à l’inverse, impacter négativement l’ASMR.
Pour répondre aux attentes de la commission, la méthodologie mise en œuvre doit assurer un niveau de preuve scientifique élevé. Les exigences sont ainsi du même ordre que celles concernant les données d’efficacité (morbi-mortalité) afin que des biais n’entachent pas la validité des résultats. Les grands principes généraux inscrits dans la doctrine et à respecter sont les suivants :
- Des échelles (spécifique et/ou générique) validées et adaptées à l’objectif ;
- Une méthodologie rigoureuse.
A noter que la Commission de la Transparence peut demander le recueil de données de qualité de vie dans le cadre de la réalisation d’études complémentaires appelées études post-inscription. Il s’agit le plus souvent d’études observationnelles c’est-à-dire d’études qui sont réalisées dans le cadre de la prise en charge habituelle du patient. On parle alors d’études en vie réelle.
De la même façon, le recueil de données de qualité de vie est également requis dans le cadre des accès précoces octroyés par la CT.
Pour la Commission d'évaluation économique et de santé publique (CEESP)
Sur le volet économique, l’évaluation de la qualité de vie est une partie intégrante de l’évaluation de l’efficience des produits de santé qui revendiquent un caractère innovant. Si la qualité de vie liée à la santé est une conséquence importante, l’analyse de référence recommandée est une analyse de type coût-utilité. Le résultat de santé évalué est alors la durée de vie pondérée par une mesure de la qualité de vie. (Quality Adjusted Life Years – QALY).
Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le module sur l'Accès au marché d’un médicament : de l’évaluation à la fixation du prix.
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NO-FR-2400125-NP- Juin 2024